Le Monde selon Google

Publié le Catégorisé comme sur le vif Étiqueté
Google

Je sais, faute de temps j’ai fermé le petit site que j’avais conçu à la gloire du numérique libre. Je ne vais pas vous causer technique mais hier j’ai eu un accident de site Web.

Un accident de site Web c’est quand tu fais pire car tu voulais faire mieux (le mieux est l’ennemi du bien et le diable se loge dans les détails du code), que tu plantes le site et découvres que la ceinture de sécurité (la fameuse sauvegarde) était mal attachée. Tout ça pour faire plaisir à Google !

Je m’en suis sorti avec un article de perdu. Ça vaut mieux que d’attraper la scarlatine !

Esthétique et scores ne font pas toujours bon ménage !

J’avais trouvé pour le site une jolie page d’accueil. Pas fofolle, pas avec des trucs qui clignotent dans tous les sens comme lorsqu’on s’amusait… c’était quand ? La fin des années 90 ? Avant ? J’étais content de mon affaire… Bon score en matière de performance et de structure, joli quoi…

Mais crediable ! Je m’étais fait piéger ! Ce n’était pas responsive ma chère !

—Pas responsive ? je n’entrave rien à ce langage !

— Ça veut dire que le site s’affichait de traviole sur les smartphones et déshonneur supplémentaire j’étais passé de A à C sur GTMétrix.

Pire que de voir les agences de notation dégrader la France.

C’était joli mais c’était lent.

Bon, c’est pas pour dire, je suis allé voir le site de célébrités qui payent sûrement très cher des webmasters pour leur faire de jolis sites… mais trop mal notés !

Au passage, -on s’amuse comme on peut-, j’adore vérifier les sites des pseudo-coachs spécialistes qui nous promettent de nous fabriquer de supers sites performants et rapides… alors que leur propre site est noté C ou D ! La honte !

Donc, j’ai voulu réparer, nettoyer, changer de page et j’ai dû déraper, accident, boum. Sortie de route. J’étais pourtant à jeun.

J’avais voulu plaire à Google

À la base, si j’avais cherché quelque chose de neuf, c’est que j’étais passé à 97 % de performance au lieu de 100%

C’était comme les remontées de statistiques quand je travaillais, en moi dort un monstre : l’esprit de compétition.

Bien que classé A, je ne voyais pas pourquoi je n’obtiendrais pas 100% au lieu de 97% !

Pour se sortir d’affaire, on va chercher des tutos, on regarde des sites en anglais, on comprend plus ou moins, on écoute des conseils pas toujours avisés…

Il y a deux choses intéressantes là dedans :

  • d’abord le fait que mon perfectionnisme m’a mis dans les choux
  • ensuite le fait que j’ai voulu me plier aux critères de Google.

Le moteur qui règne en maître

Car nos pauvres vies numériques tiennent à quoi si on veut exister dans les limbes de l’Internet ?

Il faut être bien « référencé » sur l’Internet, c’est à dire dans les trois à dix premières réponses et que Google ne vous bannisse pas parce que vous ne seriez pas bon du point de vue technique avec vos images trop lourdes ou des codes de travers qui ralentissent la page…

Google impose sa loi et ses algorithmes. Bing patauge et le pauvre Qwant ne réussit pas à se faire une place…

Derrière, le moteur de recherche va choisir : qui répond à sa doxa, qui paye, qui coche les cases ?

Écrire pour répondre à des questions que les internautes se posent

Si j’avais dû à l’école n’apprendre des chapitres que pour répondre à des questions que je me serais posées, je n’aurais pas appris grand chose !

Dans un apprentissage, il y a tout ce que je n’imagine pas, tout ce que mes propres représentations évacuent gentiment de ma sphère proximale comme dirait mon pote Vygotski qui était en maternelle avec moi. Il se la ramenait un peu avec sa ZPD. Mais la maîtresse l’adorait.

Gamin, quand je feuilletais le dictionnaire, j’allais parfois au hasard découvrir des mots nouveaux. Des mots auxquels je n’aurais jamais pensé.

C’était en tournant les pages au hasard… Mais Google ne fait rien par hasard !

Google ne peut m’enseigner des mots auxquels je n’aurais pas pensé, même si d’une page à une autre, il peut se passer des choses… mais la sérendipité reste faible…

On ne surfe plus sur le web, on y est dirigé !

L’apparente liberté de celui qui cherche quelque chose est donc vite encadrée par ses propres limites, les questions qu’il se pose ou pas, la façon de les formuler et puis tout un invisible aura du mal à venir jusqu’à lui…

Les terribles règles du SEO

Le SEO (Search Engine Optimization) signifie en français : « Optimisation pour les moteurs de recherche ». Il faut écrire pour le SEO , c’est à dire des contenus bien structurés, qui répondent à des questions pour pouvoir être trouvés…

On répond à une affaire de demande et d’offre…

Il faut que mon texte réponde à la question qu’un internaute va se poser dans les mêmes termes ou presque ! Il faut que mes explications soient riches mais avec des phrases courtes. Par exemple, le SEO n’aime pas la voix passive…

Autrement dit, le SEO note fort mal un poème !

Surtout quand le poème ne fait pas trois-cents mots ou ne saurait répondre à une question. Il faut donc trouver des subterfuges pour avoir des chances d’être repéré par le moteur de recherche !

Le paradoxe de Google

Google traque chacun d’entre nous. En voulant supprimer mes photos d’un cloud Google, j’ai vu que celui-ci avait répertorié mon activité dans 52 application différentes ! J’ai vu d’ailleurs qu’il allait tout faire pour me compliquer un peu la tâche… mais ces photos sont les miennes non mais …

On sait aussi que peuvent remonter de nous des traces parfois anciennes…

Le paradoxe de Google c’est qu’il peut à la fois nous noyer sous la masse d’informations pour que notre expression ne remonte pas vraiment à la surface (surtout si on ne paye pas) et en même temps, la pire photo ou le sale article qui parle de vous, reste bien accroché dans la toile…

Ce sont les lectrices et les lecteurs qui m’intéressent, pas un moteur de recherche

Si je dis tout ça, c’est que je n’aurais peut-être pas eu d’accident si je n’avais pas voulu satisfaire les exigences de Monsieur Google. Certes, une page qui peine à s’afficher, on râle mais avec nos fibres et notre ADSL, ça reste quand même assez rare…

On voit que vous avez oublié l’époque où avec nos jolis modem, une page mettait parfois une minute à s’afficher, une photo de la cousine mettait un bon quart d’heure à se dérouler sur l’écran. C’était d’ailleurs assez joli ce suspense… Aujourd’hui, nous ne supporterions plus l’attente…

Tout ça ne répond pas vraiment à la question du « comment toucher les gens ? « 

Je ne cherche pas la célébrité, ce site connaît des pointes de fréquentation parfois amusantes, mais au delà de la ténacité, quand on ne veut pas flatter les géants du web, il n’est pas simple d’apparaître, d’être trouvé…

À côté du travail d’écriture, il y a ce long travail qui consiste à mailler, partager, mettre en avant, reparler de ce que l’on a fait sans donner le sentiment de rabâcher…

Au passage ce que l’on nomme « intelligence artificielle » saura-t-elle faire autre que la synthèse plus ou moins habile de savoirs connus ? Ou ne saura-t-elle que répéter ou présenter avec plus ou moins de conformisme et d’erreurs une réalité déformée par la réalité numérique ?

On peut faire de la musique avec l’IA. Mais est-ce qu’on peut en inventer une dans un genre qui n’existe pas encore parce qu’il reste impensé ?

Soyons pompeux : dans la littérature ou l’art, c’est l’impensé qui m’intéresse.

Je ne lis pas pour qu’on me flatte ou me raconte une histoire connue d’avance (ou alors c’est de la littérature utilitaire, pour passer le temps). Je lis pour qu’on m’ouvre une fenêtre, me montre un truc que je n’avais même pas imaginé…

à bientôt !

cerf volant
Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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