J’aime aller à la déchèterie

Publié le Catégorisé comme changer de vie
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C’est l’une de mes sorties favorites. À chaque fois c’est jouissif. Certes, le bord de mer, la forêt, la montagne, les musées, à la rigueur le café ou le cinéma… mais la déchèterie ! C’est comme une récompense, une sorte de nirvana ! Oui, j’aime aller à la déchèterie !

Une sortie qui se prépare !

On n’improvise pas une sortie à la déchèterie. Il faut du stock, avoir accumulé. On n’y va pas pour un simple truc à jeter. C’est un voyage qui se prépare. On n’y va pas tous les matins…

Bien sûr, il y a l’ennemi de l’intérieur : « tu vas pas jeter ça ? Ça pourrait encore servir ! »

Car avant de recycler pour autrui, recycle pour toi même et le circuit court n’en sera que plus glorieux.

Oui, mais… c’est si bon ! Si bon de trouver ces vieux pots de peinture, ces bidons, ces bouts de, ces machins.

Alors, il faut de l’espace, on entasse, mais après ça débarrasse !

Le jour venu, il faut remplir la voiture, à ras bord de préférence, mais de façon structurée. Jeter c’est ranger ! Et si possible éviter de saloper les sièges…

Un merveilleux voyage

Puisque la voiture est pleine, il y a toujours quelque chose qui brinquebale, risque de verser. Les gens que l’on croise qui vous prennent pour un chiffonnier ou voleur.

On s’est habillé pour la circonstance. Éviter les jolies chaussures de ville, le pantalon fraîchement repassé.

La route est courte mais réservée aux possesseurs d’automobile. Personne ne pourrait aller jusque là bas en poussant de ses bras une simple brouette !

La route serpente, ne pas dépasser le trente. Tourner sur cette départementale encore plus étroite qu’il faut savoir trouver. C’est réservé aux initiés.

D’ailleurs, on n’entre pas comme ça, il faut attendre que la barrière se lève (une main mystérieuse l’anime, une cellule, une caméra…) et rouler au pas puis se garer en épi en marche arrière aux endroits assignés. C’est qu’il faut savoir manœuvrer et louvoyer entre les camions des artisans, la BMW du voisin et la camionnette d’un ancien collègue qui porte un short à fleurs admirable.

On se gare, on coupe le moteur, vient l’heure jouissive ! Et maintenant trions !

Et j’ai trié ! Trié !

De l’ordre et des hommes oranges

Alors là j’admire ! Nous entrons dans le monde parfait du tri, de la rationalité. Là les gravas, à côté les cartons pliés, les produits dangereux, le numérique, les ampoules, le polystyrène et les déchets végétaux pour les vilains qui n’ont pas su composter.

Car je composte moi ! Je vous l’ai déjà dit non ? Je suis fier de mon compost et mes branches je les broie ! D’ailleurs ça salirait l’auto.

J’avais ces vieux pots de peinture, ce grillage, des cartons, des bouts de je ne sais quoi, une tablette numérique de chez Bill qui n’accepte plus aucune mise à jour….

Chaque objet va trouver sa destination. Je comprends pourquoi on accorde tant d’importance au bac. Ne pas se tromper.

des poubelles

Les hommes oranges veillent

Plus rarement une femme. Ils incarnent sous leur allure débonnaire l’œil implacable du parti de l’ordre. Rien ne leur échappe et je suppose que quelques caméras discrètes les secondent.

Gare à celui qui tenterait de se défaire d’une planche au milieu du plastique ! Gare à celle qui tente d’évacuer les restes du Grand-Père découpé vaille que vaille à la tronçonneuse.

Les piles c’est là bas et les batteries par ici. Que croyez-vous ? L’ordre est absolu et déjà dans nos maisons nous trions avec nos trois poubelles.

Le tri est d’ailleurs l’une des premières activités de l’école maternelle.

Un coup de Jarnac, une révolution ?

Là, je dois le dire, je fus quelque peu marri. Être marri c’est moins pire que mari mais j’ai pas ri quand l’homme orange d’un ton légèrement supérieur me dit :

— Eh bien non, mon cher monsieur, vous ne lisez donc pas le bulletin sur papier recyclé que publie la communauté de communes ? Dorénavant et par décret du grand conseil le verre et le papier sont exclusivement collectés en ville.

— J’en prends bonne note, mais nous avions nos habitudes. J’avais tout préparé et de journaux pliés rempli mon véhicule ! Les cadavres des bouteilles bues en pleurant sur le sort de la patrie, je les avais réunis pour venir ici (j’accorde avec cadavres pas avec bouteilles). Je bois donc le calice jusqu’à la lie et pourrais crier à l’hallali en ces époques où gronde la révolte… mais soit, je suis bon citoyen. Je vous souhaite bon courage jeune homme. Votre costume quoique seyant n’est il pas un peu voyant ?

Je laissais donc l’homme à son désarroi cherchant son reflet dans un bout de miroir brisé pour rejoindre ma voiture.

Autrefois, quand je venais ici, je repartais fier et ivre de la joie du devoir accompli. Tout merveilleusement trié au service de la collectivité, ma voiture sale mais ma maison allégée.

Las, là il me faudrait donc me délester du verre et du papier à la ville… pas si proche.

Encore un complot !

Et me voici roulant à présent vers la ville, cherchant où déverser mon verre et mes journaux.

Je connaissais un lieu où des colonnes adaptées se trouvaient disposées loin de la vue de tout quidam : j’ai quelque pudeur à jeter mes bouteilles en nombre, qu’on me prenne pour un gros buveur ou ces pots de confiture – j’en ai déjà des centaines à la maison – qu’on me prenne pour un gourmand… bref, je me rends là, dans ce lieu discret à deux pas d’un supermarché… pour découvrir que tout a été retiré et que l’endroit banalisé n’est plus dévolu au recueil d’aucun déchet !

Et nous voici jouant au jeu de « devine où la mairie a caché l’endroit où jeter ses bouteilles ? « 

Et j’ai roulé, roulé… à travers la ville manquant d’écraser quelques vieillardes lunatiques rivées à leur TikTok où des jeunes s’embrassant en traversant pressés sûrement de mourir ensemble. Et je t’ai trouvée colonne de métal… bien entendu sans place pour se garer…

J’ai fait pas loin de dix kilomètres avec tout ça. Mauvais bilan carbone.

Je suis rentré culpabilisant presque…

Mais j’avais heureusement dans les yeux l’image, la vie, l’organisation de cette petite ruche…

Oui. Retour à la maison. Le garage semble plus grand. Le chien content. Il faudra nettoyer la voiture et voir comment accumuler pour la prochaine excursion… car à la longue « tout est bon chez elle (moi) y a rien à jeter… »

Brassens « Y a rien à jeter »

Bon la chanson n’a rien à voir… mais j’aime trop Brassens et c’est comme qui dirait une association d’idées !

Mais n’empêche, on critique, c’est chouette la déchèterie ! Mieux que la rivière où l’on jetait tout du temps de ma grand-mère…

à demain ?

Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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