Ils jouent aux boules pendant qu’elles préparent le repas

Publié le Catégorisé comme réflexions
divagation
"Line Pattern" by Seacoast Sage/ CC0 1.0

Tout est dans le titre. « Ils jouent aux boules pendant qu’elles préparent le repas ». Ce que je note là, je viens de le voir à l’instant. Et sous l’image paisible d’une belle journée en famille, la puante odeur du patriarcat vient nous dire que l’inégalité entre sexes reste une réalité.

Une si belle journée ordinaire…

Le merveilleux bonheur familial ou entre amis. Combien de fois nous la voyons cette image dans nos villages, dans nos lotissements… et si on la voit moins en ville, c’est juste qu’il manque des allées, de grands jardins ou des rues où l’on peut jouer sans souci.

« Une partie de pétanque, ça fait plaisir » disait la chanson.

« Mais où sont-elles ? » J’ai beau chercher dans le groupe pas une femme, pas une fille. Là jouent les hommes de tous les âges, les vieux, les quadras, les petits garçons…

Tu crois que c’est parce qu’elles n’aimeraient pas jouer qu’elles ne sont pas là ?

Elles adorent papoter entre elles

Comme si ça ne suffisait pas dans la complaisance, les gars se racontent qu’elles adorent papoter entre femmes, se retrouver entre elles, entre générations…

Faudrait pas que ça change…

Et de toutes façons la cuisine est trop petite… on n’y tiendrait pas tous. La grand-mère a chassé les hommes qui ont « deux mains gauches ».

Oh la bonne excuse de la maladresse ! Bien commode…

Et l’on est si bien dans cette insouciante complicité. « Puisqu’ils font ainsi, pourquoi ferais-je autrement ? » se dit le gars que pourtant son épouse rabroue parfois… Et qu’apprend donc implicitement le petit garçon prêt à imiter son oncle qu’il admire ?

« Mais je l’aide régulièrement »

Osera celui qui peut-être sent le frisson de la culpabilité lui parcourir l’échine, juste un moment.

Oui, tous ces veules qui aident et sont persuadés s’acquitter à bon compte de leur corvée. Ils débarrassent, ils font un peu de vaisselle et même parfois se lanceront généreux dans la préparation du dessert… laissant partout des traces de farine.

Oh, mes congénères de la honte, braves types, machos ordinaires qui prétendez assurer votre expertise du côté de la perceuse ou de la pioche. Vous avez le partage sélectif. Vous êtes joueurs pas jusqu’à mettre le nez dans la cuvette des chiottes…

Ce vieux refrain, on l’entendait déjà il y a bien longtemps, quand j’étais petit, dans les années soixante…

Et aujourd’hui encore, ces hommes qui ne savent toujours pas où l’on range les bols ou les couteaux… Ces gentils types qui « aident » mais méconnaissent le partage équitable. Ils aident par ce qu’ils aiment faire eux, ils aident comme on achète le droit de retourner jouer. Gamins.

Les bobonnes sont toujours de service

Ah la belle répartition des rôles, bien genrée ! Et je serais donc le vilain wokiste à me désolidariser de mes frères ?

Dans « Mais quel est son prénom déjà? », – autopromotion pour le roman qui vient de sortir et se passe lors des Trente Glorieuses- , l’héroïne s’évertue à servir ses hommes. Elle en fait même un point d’honneur. Elle y excelle. Certes, elle tient un peu de pouvoir domestique. Mais à quel prix ? Lorsqu’il y a repas de famille, avec des amis, les hommes servis en premier, reçoivent les meilleurs morceaux.

Je vous jure que je l’ai vu gamin de mes propres yeux. Vu et revue cette scène de la cuisse de poulet pour les garçons, le blanc pour les filles.

Ça passait crème.

C’était le « bon temps », on était si heureux…

Et les esclaves souvent paraissaient tellement consentantes, revendiquant leur rôle comme une expertise. Pourquoi leur refuser d’être si bien dans leur rôle de « mère au foyer » ? Puisqu’on allait leur offrir un nouveau robot ou un mixer pour la fête des mères ?

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Mais merde, on est en 2023. On nous dira que ça n’est pas bien grave, que ce n’est pas du féminicide tout de même…

Hé bien, quitte à faire ma Sandrine Rousseau, je vous dis que cette attitude est très exactement ce qui mène au féminicide.

Quoi ? les joueurs de pétanque seraient donc des criminels en puissance ? Rhaaaaa… mais de bons candidats esclavagistes…

Oui, oui, je maintiens que cette posture où les uns sont dans le loisir tandis que les autres sont au travail non rémunéré est une forme tranquille d’esclavagisme qui mine de rien laisse entendre que la norme se situerait là, que c’est comme qui dirait la clause non dite du mariage. Le devoir conjugal. Le devoir d’épousée…

Elles sont en cuisine. Ils jouent. Impossible que ce soit le hasard ou juste le prix à payer pour le bonheur d’être ensemble. Pourquoi je n’ai jamais vu l’inverse ?

Mes chers camarades, en cette fin de belle journée, regardez ! Regardez dans le quartier, regardez autour de vous, regardez chez vous ou dans votre famille ! Vous serez étonné-e-s !

Il y a de quoi être stupéfait, désabusé, inquiet. Il reste devant beaucoup de boulot. Ma bien chère mère serait en colère. Et vous verrez… qui en premier viendra trouver des excuses à la situation ? Peut-être bien une femme. Parce ce que ce n’est pas si facile de pointer l’oppression dans le bonheur ordinaire d’une partie de pétanque !

Je vous embrasse.

la libération de la femme
Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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