Et si nous nous écrivions des lettres ?

Publié le Catégorisé comme réflexions Étiqueté , , , ,
des lettres pour faire des mots
"Letters Numbers" by Amador Loureiro/ CC0 1.0

La Poste vient d’annoncer la fin du « timbre rouge ». Elle expérimente aussi la fin des tournées systématiques des facteurs. Le numérique et le courrier électronique ou le SMS et les messageries directes se sont largement substitués à la lettre manuscrite d’antan. Il reste encore le « timbre vert » mais pour combien de temps ? Allons-nous abandonner d’écrire des lettres ?

On peut se demander tout simplement si la correspondance épistolaire n’est pas en train de mourir.

La lettre manuscrite ou la carte postale se raréfient. S’il est idiot de s’enferrer à vouloir regretter le passé, c’est pourtant une pratique d’une grande richesse, qui apporte beaucoup et mériterait d’être réhabilitée.

Et si nous nous écrivions (de nouveau) des lettres ? Cet article sera assorti d’une proposition concrète.

enveloppe

À celle ou celui qui n’a jamais reçu de lettre manuscrite…

Je me dis que si tu es un enfant ou un jeune, peut-être n’as tu jamais reçu de lettre personnelle manuscrite.

à l'aise

Imagine. Quelqu’un a pris le temps de t’écrire, rien qu’à toi, en pensant à toi. Cette personne a pris le temps de s’asseoir à sa table, de choisir une feuille, un stylo… Peut-être même en faisant attention au choix du papier, à la couleur de l’encre, à la forme de l’enveloppe.

C’est peut-être pour ton anniversaire, une fête, une lettre d’amitié ou une lettre d’amour. Peut-être une lettre qui te parlera de la vie de la personne, où elle se livrera, se racontera, te posera des questions ou fera le récit de votre rencontre.

C’est peut-être une lettre qui te dira des choses qu’on ne se dit pas lorsqu’on est ensemble.

Ou bien une lettre de réponse à la tienne…

Dans tous les cas, c’est une lettre où l’on a pris du temps pour toi. rien que pour toi. La personne est allée acheter un timbre, elle a posté la lettre dans une boite jaune en faisant attention à l’heure des levées. Une lettre manuscrite, c’est une attention à ta personne.

Tu auras eu cette surprise de trouver la lettre dans ta boîte. Tu auras tenté avant de l’ouvrir de deviner qui a pu t’écrire ou bien tu auras reconnu l’écriture immédiatement.

Ouvrir l’enveloppe, délicatement, déplier la feuille, prendre le temps de lire. S’extraire de son quotidien.

Puis tu auras reposé la lettre, peut-être sur le piano, un autre endroit visible : il faudra répondre. Ou l’envie viendra de relire, méditer les mots.

Peut-être si c’est une carte postale, tu auras cette envie de la placer en quelque endroit visible…

Une lettre ce sont tant de sensations : l’écriture, la couleur des mots, parfois un parfum… Un autre rapport au temps…

Je me dis que ça doit être triste de n’avoir pas connu ça dans sa vie !

Un courrier électronique, même développé, même imprimé, ne procurera jamais la même intensité.

Une collection de souvenirs

Il n’y a rien de plus personnel et plus intime que les lettres conservées de sa vie passée. J’avoue parfois, pour céder à un amour jaloux m’être séparé bêtement de certaines.

Mais j’ai plusieurs chemises et dossiers où l’on retrouve tant de lettres. Je ne vais pas les relire tous les matins. Elles sont pourtant des repères précieux.

Elles sont là, restituant avec force leurs souvenirs : de vieilles cartes postales, des lettres d’anniversaire… et toutes ces merveilles.

Il y a les lettres de la cousine avec tous ses collages ou ses dessins. Confidences, espoirs, inquiétudes.

Au sommet du romantisme, les lettres de Nathalie K. Sa fine écriture penchée, ses enveloppes bleues. dans l’une d’elles, une boucle rousse de ses cheveux si fins. Amoureuse intensité. Elle écrivait bien pour ses seize ans. Je n’en avais pas dix-neuf.

Philippe m’écrivait des pages entières où il recopiait des passages de romans qu’il avait aimés .

Une autre amie avait une écriture gigantesque qui s’élançait sur la page : sûrement écrite avec un stylo plume. Une encre très noire sur des feuilles de papier Canson.

David A, le célèbre pianiste, m’écrivait des lettres à l’encre rouge. Je lui trouvais une écriture de vieux.

Avec Luis, le soir de notre première rencontre, chacun d’entre nous rentra chez lui et osa écrire une déclaration d’amour à l’autre. À cette époque la Poste fonctionnait bien. Chacun reçut de son côté la déclaration de l’autre le surlendemain, simultanément ! Si ce n’était pas un coup de foudre !

J’ai jeté les huit pages d’insultes de mon pauvre père qui me menaçait de rater mon bac si je continuais de faire du théâtre. Il avait achevé de se disqualifier lui qui ne s’était guère occupé de ses enfants. J’appris qu’il lui avait fallu trois fois pour obtenir le sien. J’obtins le mien avec mention, du premier coup. Pas grâce à lui. Les lettres restent tant qu’on ne les brûle pas… ou marquent l’esprit. Il faut donc écrire avec prudence.

Anne Sylvestre chantait : « on ne devrait permettre que des lettres d’amour ».
Je conserve avec bonheur une lettre de Jacques Bertin et d’autres de la chanteuse Colette Magny dont la main tremblait les dernières années…

Il y a aussi des lettres d’élèves, touchantes d’attachement.

Mais oui, quel bonheur ces lettres d’amitié et d’amour !

La correspondance scolaire

Collective puis individuelle : j’aimais tellement la correspondance que la plupart de mes classes y furent initiées. Au début, on bénéficiait même de la franchise postale ! Pas besoin de timbre pour s’écrire entre écoles !

Les élèves apprenaient à se présenter, se découvrir, consentaient des efforts pour bien écrire, sans erreur…

Quand on le pouvait, on se rencontrait « en vrai ». Parfois de jolies amitiés se sont nouées.

Les lettres de soi

Car écrire engage aussi. Écrire est intéressant si c’est un cadeau, un geste vers l’autre.

Il existe de magnifiques correspondances. Parfois publiées.

Un jour, Nicolas G me montra sur un rayon chez lui, deux boites à chaussures pleines. C’étaient uniquement les lettres que j’avais pu lui écrire. De quoi faire un roman. Je me demande s’il les a encore !

Plus tard, j’ai pu aussi écrire des lettres ou des billets, glissés sous l’oreiller, dans une poche ou même… au fond d’une chaussure !

Mais c’est vrai qu’avec les années 2000, j’ai délaissé le « genre épistolaire »…

Retrouver le bonheur des lettres manuscrites nous ferait du bien !

Loin des réseaux sociaux avec leurs formules lapidaires et les polémiques publiques, la correspondance épistolaire nous ferait du bien !

  • pour renouer avec un temps moins accéléré
  • pour réapprendre la joie d’attendre
  • pour goûter la surprise de recevoir
  • pour montrer de l’attention à autrui
  • pour recevoir avec gratitude l’attention de l’autre
  • pour réapprendre à se dire par écrit à l’autre
  • pour développer notre créativité
  • pour raviver nos sensations
  • pour retrouver nos souvenirs…

Et si on s’écrivait ?

Vous allez vous trouver des tas d’excuses pour ne pas vous lancer. Moi aussi. Nous avons tant de choses à faire dans nos vies pressées….

Et pourtant … si on se disait : chiche !

Choisissez une ou un ami, une personne que vous aimez : un vieux, un jeune, un enfant !

Et osez prendre le temps de lui écrire une jolie lettre, une carte…

L’inspiration viendra. Commencez simplement. Plus tard peut-être vous jouerez de la plume, des mots, du collage, de l’humour, du dessin…

N’oubliez pas votre adresse au dos pour la réponse !

Vous ne savez pas à qui écrire ? Sur simple demande, je vous envoie mon adresse postale et vous promets réponse …à la vitesse du timbre vert !

à bientôt

Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *