Comment faire avec les souvenirs ?

Publié le Catégorisé comme changer de vie

Écrire, notamment de la fiction, c’est souvent puiser plus ou moins consciemment dans la malle à souvenirs. Oui, même le roman « Mais quel est son prénom déjà ? «  , je l’ai écrit avec des souvenirs glissés et transfigurés… C’est aussi quelque part « fabriquer des archives ». D’ailleurs, j’ai parmi mes propres archives de nombreux textes plus ou moins aboutis, plus ou moins anciens…

J’arrive tout de même au moment où malgré tout, j’ai accumulé pas mal de choses. Que faire de tout ça ? Entre douceur de la nostalgie et lourdeur de souvenirs sombres, il faut effectuer des choix. Et puisque j’en suis à ce nouveau carrefour, à cette nouvelle période de changement de vie, sans avoir la pression, c’est le moment de s’asseoir et poser les choses.

les souvenirs de famille
« Family record & memorial » by Library of Congress/ CC0 1.0

L’étrange inventaire

Au fil des déménagements, des changements antérieurs, j’ai su alléger considérablement le poids des objets et des archives conservées. D’autres parfois sont venus se substituer…

Je veux distinguer d’abord deux sortes d’objets ou d’archives :

  • ceux que je vois tous les jours et qui sont intégrés à la décoration ou à la vie de la maison comme la bibliothèque, les vieux appareils photo de mon grand-père ou quelques tableaux de famille
  • ceux qui sont archivés dans des rayons du bureau, cachés dans des boites ou d’autres encore relégués dans le grenier, même si les choses n’y sont pas si mal rangées…

Je suis loin de posséder autant d’archives que mes grands-parents qui avaient leurs greniers pleins. Ils conservaient tout : les cahiers d’écolier, les vêtements, les vieux jouets, les cartes anciennes, les lettres, les dessins… Et puis, chez les lettrés, il y avait des bibliothèques parfois héritées… Je me souviens, à la disparition de mes grands parents de la somme d’archives de toutes sortes, y compris professionnelles, qui avaient pu être accumulées. Les héritiers en prirent leur part quand elle les intéressait, des dons furent faits… mais quel poids ! quelle lourdeur ! quel travail !

J’ai déjà beaucoup jeté mais il reste encore des journaux, des écrits, de vieux dossiers scolaires ou des reliquats de copies, des cahiers, des dossiers, des journaux avec les Unes d’événements marquants… Quelques lettres d’amour encore, des cassettes sonores de mes enregistrements de chansons quand j’étais enfant ou adolescent, des cédéroms de photographies, des archives diverses…

Il reste quelques lettres. J’en avais retrouvé lorsque j’avais écris l’article « Et si nous nous écrivions des lettres?  » . J’avais pu remarquer la disparition de pas mal d’entre-elles. Je me demande si je n’avais pas jeté toute une correspondance passée, pour prouver mon allégeance à une nouvelle relation jalouse et exigeante… qui agissait là plus par esprit toxique qu’autre chose…

Il y a peu de photos me montrant ou de ma propre famille, beaucoup sont en désordre.

L’an dernier j’ai jeté les nombreux cahiers du journal intime de ma mère. Écrits brûlants s’il en est : je ne cesse de le dire, sauf si vous êtes un écrivain génial, ne gardez jamais votre journal intime, détruisez-le avant de mourir, ça peut faire des ravages !

Il reste parfois des objets bizarres : ceux ayant appartenu à un amour disparu brutalement. Comme s’il pouvait avoir encore besoin de son « Passe Navigo » !

J’ai toujours le dernier paquet de clopes quasi vides fumé par ma mère.

La bibliothèque

bibliothèque

Je n’ai gardé pratiquement que la fiction, la poésie, la philosophie… J’ai donné il y a quelques temps quasiment toute la bibliothèque de livres de cuisine de ma mère pour ne conserver que les quelques livres utilisés au quotidien. J’ai donné également toute ma bibliothèque professionnelle…. ou presque !

En quittant Paris, je m’étais débarrassé de nombre de mes livres d’enfant. Parfois certains d’entre eux me manquent… sporadiquement…

Il y a ici une inénarrable collection de polars datant encore du temps de ma mère, quelques vieux dictionnaires du temps de l’arrière-grand père ou l’intégrale des Zola… J’ai pas mal enrichi le petit fonds avec mes « japonais » ou mes « Bobin »… des cadeaux aussi… et tant d’autres choses diverses…

À chaque déménagement, les soixante ou soixante-dix cartons constituent quand même le calvaire entre le tri, la poussière avalée et le portage.

Je le sais bien, si je reprends parfois certains livres, si je peux souffrir presque physiquement lorsque je ne retrouve pas un bouquin auquel je veux me référer pour une obscure raison, retrouver un passage, le nom d’un personnage, oser une relecture… j’ai tant de nouvelles lectures à faire, que je relis très peu les vieux bouquins…

Mais la présence de la bibliothèque me rassure quand j’écris…

J’ai beaucoup emprunté de livres dans les bibliothèques publiques, depuis petit, c’est une autre sensation, pas désagréable en plus, mais alors les livres sont comme des rencontres ou des amoures de passage… tandis que ceux de la maison, je sais que je vais les retrouver, je sais à peu près où ils ont été rangés…

La discothèque

Dans le même esprit il y aurait la discothèque et les cédéroms à interroger aussi…

Que faire de tout ça ?

Il y a :

  • beaucoup de choses que je ne regarde quasiment jamais
  • des choses dont le souvenir est plus douloureux que plaisant
  • des textes qui certes peuvent toucher un instant quand on voit les évolutions, qui peuvent renvoyer à des souvenirs, des moments… mais qui n’ont rien d’extraordinaire et n’ont aucune valeur… certains même pourraient prêter à sourire ou rire…
  • ces documents difficilement inaccessibles ou traitables : je pense aux vieilles cassettes poussiéreuses… Si j’avais le temps ce pourrait être amusant d’aller prélever des extraits ou d’écouter ma voix quand j’avais quinze ans et jouait de ma vieille guitare… mais les chansons qui devaient surnager de cette époque, ont surnagé, elles sont encore là près de moi… Il y en aurait pour des jours de travail à écouter, trier, convertir… Il y a un petit deuil à faire mais bon… je devrais savoir y faire
  • encore des livres désuets dans la bibliothèque ou sans valeur forte pour moi… sur des sujets liés à mon passé professionnel : j’ai tourné la page, c’est loin… J’ai d’autre choses à faire que de parler pédagogie…

Mes souvenirs sont assez puissants, ils sont « dans ma tête » et je n’ai guère besoin d’aller consulter mes propres archives pour qu’ils m’envahissent. Le jour où je serai trop gâteux pour me souvenir, je doute qu’aller me sortir de vieux documents puisse être utile puisque personne ne sera en capacité ou presque de les relier à mon vécu…

Ce que je vais essayer

  • trier ce qui « mérite » de sortir des archives pour s’afficher, se montrer dans la maison
  • éliminer ce qui est inutilisable, obsolète, m’apporte de la tristesse, est redondant
  • ne rien garder qui me déplaise par ce que ça évoque
  • me limiter à une boite pour les archives générales et une autre petite pour les photos…
    • un sort particulier devra être fait aussi au versant « administratif » j’ai encore pas mal de choses à éliminer
    • de même et je ferai le lien avec le site Numérilibre, un point devra être fait concernant les différentes archives numériques et les accès…

En conclusion

D’une certaine manière je dois m’autoriser à me libérer de ces « encombrants », valoriser ce qui le mérite, oser sans peur « faire des choix » puisque tout est en réalité dans ma mémoire avec laquelle je peux jouer…

Je ne vais pas m’exiger le minimalisme absolu. La bibliothèque est un tout qui mêle racines culturelles et témoigne de mes goûts, c’est une sorte d’autoportrait… mais à la façon de ceux qui font des « retouches » sur leur portrait photo, j’ai le droit de choisir ce que je souhaite mettre en avant…

C’est un petit travail libérateur que je fais « pour moi » et pour les pauvres malheureux qui auraient à tomber là dessus si je passais l’arme à gauche…

Et vous ? Comment faites vous avec tous vos souvenirs ?

Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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