C’est la journée mondiale contre l’homophobie et y a du boulot !

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« Tu vas pas me dire que ça se voit pas que celui là est gay ? « 

C’était dimanche. Deux vieilles commères et un compère sur leur banc juste devant l’église.

Comme nous étions seuls à passer devant ces trois sbires avec mon chien et comme la vieille parlait fort en me fixant, je ne sais pas pourquoi je me suis senti visé.

Et je suis passé, sans répondre. « Celui-là » n’a pas eu le courage de répondre. En 2023 ! Alors que c’est la journée contre l’homophobie !

Homos en France

Direct et sans fard, le service public a fait son boulot hier soir en présentant un documentaire clair, pas larmoyant mais juste. Pour une fois, lors du débat qui suivit, on ne se crut pas obligé d’inviter l’homophobe de service ou celui qui « a des amis homosexuels mais émet des réserves parce que patati patata... »

J’ai eu de la chance mais je coche bien des cases

J’ai toujours pensé que ma vie privée ne regardait que moi, que je n’avais ni à expliquer, ni à justifier…

J’ai eu la chance dans ma famille, que ma mère me dise : « fille ou garçon ? ce n’est pas ça qui compte, l’important c’est d’aimer. »

Et pour ça j’ai aimé… sans avoir besoin d’expliquer qui, je n’ai jamais fait de coming-out mais mon premier amoureux est venu vivre chez ma mère.

Je me souviens d’ Isabelle à qui je laissais des petits messages dans une boite d’allumettes vide abandonnée à ses pieds. Ou Nathalie au collège : j’avais été convoqué chez la principale avec ma mère (le père de la belle ne croyait pas que j’avais pu écrire seul une lettre d’amour aussi bien ficelée) … Mais si… Puis plus tard, il y eut de merveilleuses personnes du même sexe oui, mais ça allait de soi. Des rencontres étonnantes. Amoures lumineuses et intenses. Romantisme. Vie commune parfois. Je me suis même « pacsé » à l’époque… Mais enfin, je ne me suis jamais torturé pour savoir si je devais ou pouvais me changer… J’avais juste intégré qu’il fallait souvent la jouer « discret ».

Oui l’important c’est d’aimer et pour ça je remplis le contrat… je ne vais pas vous faire un compte rendu… Je n’ai jamais vu la question sous l’angle du sexe mais de la personne – je n’aime pas tous les garçons- , je ne me suis jamais réduit à une étiquette, un rôle…

un coupe gay se donne la main - journée contre l'homophobie
« LGBT Love » by Planetnehemiah/ CC0 1.0

Le désir des garçons

À la différence peut-être d’autres, au début, ce n’est pas tant qu’ils m’attiraient, que je découvrais que je les attirais eux. Ces petits hétéros amateurs de foot… en classe de cinquième et de quatrième ils avaient les mains baladeuses… ils me faisaient des avances ouvertement… joignant souvent le geste à la parole… Plus d’une fois je me suis retrouvé dans des situations embarrassantes…

Au collège de D, les grands de troisième qui me semblaient immenses moi qui devait avoir 12 ans, m’avaient coincé dans le foyer des élèves dès le premier jour : « T’es nouveau ? T’es interne ? dommage, parce que sinon on te serait tous passés dessus… »

On s’étonnera que j’ai fait de la phobie scolaire… Parce que quand même, j’ai eu peur de leur libido exacerbée…

Plus tard, dans un autre collège, je n’oublierais jamais ce crétin qui nous poursuivait dans la cour en nous insultant : « Espèce de sales pédés ! »

« On est peut-être des pédés, mais en attendant c’est toi qui bande » avait répliqué Frédéric qui n’avait pas froid aux yeux. Et raison. L’autre que son survêtement de sport avait trahi partit débouté. Je raconte cette anecdote dans le roman tiens…

Mais le pauvre Frédéric qui me fit plus tard une déclaration d’une douceur incroyable, je lui mis une claque. À cause des témoins. On est contradictoire à 14 ans.

Peurs ou espoirs

Ainsi, je passais ma jeunesse entre espoirs, et premiers émois. Souvenir ému : à 15 ans avec le plus beau garçon de ma classe. Vacances et nuits délicieuses. Qui savait ? Mais nous nous cachions. L attendit nos 18 ans pour revenir vers moi, là aussi, avec une délicatesse…nous avions pratiquement le même âge au mois près, nous allions devenir majeurs et pouvoir nous émanciper ensemble. Quelle patience !

Mais c’était moi cette fois. Je ne pouvais assumer… Alors qu’il était toujours aussi beau ! Un vrai roman… sauf que c’était la vie et là, c’était dur.

Certificat de bonne moralité

Figurez-vous que pour passer un concours dans la fonction publique et plus encore dans l’enseignement, en 1979, il fallait que le maire de la commune délivre un certificat de bonne moralité. (Bon aujourd’hui on demande et c’est bien un casier vierge… mais ça ne touche pas aux mêmes questions…).

C’était l’époque où lorsqu’on signait un bail, il fallait louer « en bon père de famille ».

Alors, on se la jouait discret, pas question d’aller s’afficher. Des fois que le maire décide qu’on n’était pas dans la norme….

Tolérance

Mais l’époque était aux paradoxes. À la campagne j’ai pu vivre avec mon premier amoureux et d’abord chez ma mère, sans entendre le moindre commentaire. Lui s’affichait pour deux avec un aplomb et un charisme, un naturel et une joie dynamique qui furent une chance…

Comme Paris permit aussi de trouver des lieux relativement protecteurs avec une solidarité qui compensait le silence qu’il fallait s’imposer ailleurs.

Le pédé de service

Mais si un pan de la société nous rejetait, l’autre nous ignorait et un happy few nous tolérait : ce n’était pourtant pas sans ambiguïté.

Aux belles tablées chez ma tante, j’étais présenté comme : « C’est mon neveu, il est gay ». Comme si c’était une qualité dont il aurait fallu se glorifier. Ça faisait branché quoi d’être dans la mouvance… C’était une tolérance qui vous sommait un peu au coming out. C’était l’époque de Claire Bretécher et des « Frustrés ».

Les interrogatoires

Je me souviens aussi des interrogatoires pénibles plus ou moins insidieux de collègues, de supérieurs hiérarchiques… On tentait d’interroger ma vie privée.

Je restais souvent évasif, je mentais par omission… ou j’abondais…

En attente d’une validation pour mes fonctions hiérarchiques, j’ai menti gentiment sur « la personne » avec qui je vivais parce que je sentais bien que l’interrogatoire d’un inspecteur général visait à sonder si ma vie privée allait être compatible avec les fonctions officielles que j’allais occuper… Plus tard, on m’a fiché la paix.

Ces jeunes jetés dehors

Dans la ville où je vis quand je vois encore l’hypocrisie : hommes mariés à des dames qui mènent une double vie à leur insu, jeunes gens qui cachent à tout prix leurs histoires d’amour à leurs amis proches… quand d’autres sont mis élégamment dehors… j’ai parfois le sentiment que rien n’a vraiment bougé… ou qu’il faut sans cesse reprendre ce que l’on croyait acquis…

J’ai été étonné de voir des « bulles de tolérance » y compris au sein de milieux a priori rétifs et le poids hypocrite de familles où « on laisse faire pourvu que ce soit discret »…

Mais ces jeunes jetés dehors, encore aujourd’hui. Comme des chiens.

1990 !

J’ai donc vécu trente ans pratiquement de ma vie avec au delà du poids social, l’étiquette de la maladie mentale.

Faut de la santé pour pas se sentir malade ! Surtout malade mental !

Il a fallu attendre 1990 pour que l’Organisation mondiale de la santé supprime l’homosexualité de la liste des maladies mentales de la classification internationale des maladies.

Je me dis que du jour au lendemain, nombre de médecins qui exercent peut-être encore n’ont pas forcément remis en cause leurs premières connaissances.

La société « tolère » comme elle accepte le « handicap »… Mais celui qu’on « tolère » n’est pas inclus.

La société est bien brave de tolérer que j’aime.

Ah bon ?

Certains sont surpris car a contrario de mes trois crétins sur leur banc, « ça ne se voyait pas ». C’est là qu’on voit les limites de Zaza Napoli.

Nombre d’hommes « hétéros » ont on le sait, d’ailleurs repris toute une série de codes y compris vestimentaires qui pouvaient autrefois être taxés de « gay ». On ne sait plus dire mon pauvre monsieur qui est qui… Il y a des lesbiennes « féminines » et des gays qui en rajoutent dans les codes virils… Il y a même des jeunes gens qui vont indifféremment avec des filles ou des garçons…

Mais il y a peu encore, je me suis vu refuser une location car j’étais venu « en couple d’hommes ». Comment la responsable de l’agence immobilière a pataugé pour tenter de se justifier… et comment voulez-vous malgré toutes garanties dont je disposais, pouvoir faire valoir notre droit ?

Car s’il existe les agressions terribles, la violence imbécile de ceux qui pour moi refoulent surtout leurs propres peurs d’être saisis de ces « désirs inavouables », il perdure cet insidieux rejet, ce regard en dessous, ces attitudes, cette façon de ne pas voir… l’ostracisme discret…

Le communautarisme

Alors, on peut nourrir des sentiments également contradictoires à l’idée d’une « communauté » qui va d’abord – c’était le cas dans les années 90 à Paris- permettre de se souder pour « faire famille » et se rapprocher et se réconforter dans la solidarité.

Le risque étant alors de s’enfermer pour se protéger… mais après tout, ce n’était pas illégitime quand on sait à quel point c’était dur pour certains de se trouver un boulot, un logement, des amis…

L’appartement de Paris fut souvent « un refuge ». Rien de libidineux là dedans mais juste une sorte de bulle chaleureuse de solidarité, un côté « famille » réinventée où chacun pouvait se confier… de façon intime et sincère…

J’ai fréquenté des gay-pride sans pour autant me sentir d’une communauté au sens réducteur du terme.

Je considère que toute personne doit avoir les mêmes droits qu’une autre.

C’est tout. C’est beaucoup visiblement.

Les préjugés ont la peau dure

Tout le monde peut être porteur de préjugés, de représentations qui enferment.

Dans la mesure où chacune et chacun respecte la loi relativement au consentement ou à l’âge légal par exemple, chacune et chacun doit pouvoir vivre comme il l’entend sans être jugé, sans avoir à s’en justifier ou faire ses preuves…

Combien de gays j’ai vu redoubler d’ardeur au travail comme pour s’excuser… ou combien être sur-exploités car n’ayant pas charge d’enfants ils pouvaient bien assurer une garde de plus le week-end ou représenter la boite à un colloque à l’étranger ? Prenons garde à ces non-dits et ce qu’ils peuvent générer…

On a même vu il y a peu des sous-entendus puants sur la sexualité de la cheffe du gouvernement : en quoi ça jouerait sur sa manière de gouverner ? On s’en fiche !

Le coming out n’est pas une obligation.

La religion a pesé considérablement et pèse encore. Il ne faut pas avoir peur de le souligner… Nous connaissons tous des prêtres catholiques gays, des musulmans qui le sont… J’ai même eu un charmant amant… qui est devenu rabbin aujourd’hui ! Ce qui importe c’est que l’on soit certain que chacune et chacun puisse garder son libre arbitre, que personne ne tente d’imposer son modèle à personne. On n’ose pas encore le dire. C’est très compliqué…

Il y a une vérité dans l’amour libre entre personnes du même sexe que les intégristes de tout poil insupportent : c’est celle de l’amour qui transcende tout ! L’amour vertu et valeur universelle qui crée de la beauté, émancipe et relie !

Alors, oui, c’est subversif. Oui, on peut vouloir des enfants ou pas. Et la réalisation d’un couple hétéro ou homo, passe par ses choix propres, par la capacité à se donner un beau projet de vie… mais ça regarde chacun.

L’homophobie, et toutes les phobies qui vont avec, ne mettent en avant que la fragilité de personnes qui ont besoin de marqueurs forts et binaires pour leur propre identité. L’homophobe n’a qu’une peur, c’est que ses propres pulsions puissent être mises à nu ou questionnées… Les homophobes souffrent d’un trouble de l’identité ! La leur !

Il est juste dégueulasse que ces personnes engendrent de l’insécurité et soient si peu réprimées, juste inquiétant que la parole de certains puisse être encore à ce point excluante… Et la société toute entière doit réagir, sans trembler. Sans peur.

Mais qui a dit « aimez-vous les uns les autres » déjà ?

à bientôt !

Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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